Rookie no more. Le 48group a été témoin de la naissance des SKE, NMB et HKT. Maintenant, c'est au tour des Nogizaka d'avoir leur propre groupe soeur. Mais de s'étendre à une vitesse incontrôlable sur la base d'un fandom stagnant, le risque de lasser les fans existants est très élevé. Il est difficile de ne pas devenir "un autre groupe soeur des AKB48..." et séduire l'audience japonaise n'est pas une chose aisée. Pourtant, les Keyaki ont bousculé ce petit monde et se sont même offert le Kouhaku Utagassen (émission annuelle la plus regardée au japon) en moins d'un an. Quelles ont été les étapes clés qui ont fait la différence ? A partir de cet article, je vais tenter de mettre en evidence ce qui a permis au groupe de devenir un incontournable du paysage idol actuel.
1) Remettre la musique au premier plan
La musique est une question de goût. Mais il y aura toujours une différence de production, comme le budget que l'on investi dans une A-side plutôt que dans une B-side. Avoir lancé le groupe avec une chanson puissante était audacieux : le but étant de marquer les curieux par son l'impact en cassant le type orthodoxe des chansons idols. L'utilisation des percussions espagnoles, la guitare accoustique qui s'oppose à l'auto-tune des singles standards d'idols a fortement aidé Keyakizaka à construire une saveur unique. Non seulement Silent Majority, mais aussi Sekai ni wa Ai Shikanai a été un single atypique, utilisant la poésie et du piano classique pour se démarquer.
Le monde des idols, notamment le 48group, a beaucoup souffert de sa faible réputation dans l'aspect musical, comme si il n'était pas pris au sérieux ou alors même pas considéré comme des artistes. Cependant, AKB48 a prouvé à plusieurs reprises qu'elles étaient capable de produire d'excellentes chansons, comme Oogoe diamond, Iwake Maybe ou bien River. Il est possible de complimenter la music idol et Keyakizaka a permis de remettre la musique au premier plan. Dans un récent sondage international (600 réponses), Silent majority a été choisi "chanson de l'année" par les fans.
2) Des paroles qui atteignent le coeur des gens
Les paroles de chansons, la plupart du temps sombres et rebelles, ont été un des moyens pour que le groupe se mette en valeur. C'est encore Akimoto Yasushi à la barre, mais cette fois grâce aux traits facile à reconnaitre des Keyakizaka, il a réussi à composer des paroles qui s'harmonisent bien avec les vidéos. On peut prendre comme exemple l'excellent B-side Yamanotesen (le solo de yurina) qui illustre la mélancholie d'une jeune fille perdue dans ses pensées ou bien Bob Dylan wo kaesanai, une autre B-side cette fois des Yuichanzu, qui est une intelligente allégorie entre la difficulté d'oublier un amour perdue avec la réticence de rendre le CD de l'artiste Bob Dylan.
Les chansons d'idols sont souvent enjouées et candides, mais les A-side des Keyakizaka abordent d'autres thèmes comme la souffrance, les difficultés, et la volonté. Plus souvent et avec plus d'intensité. Parce que les thèmes interpellent, elles ont attiré l'attention, devenant le groupe "rebelle". Les paroles servent à l'auditeur de s'intérioriser avec la chanson et implicitement, de se rapprocher du groupe.
3) Une chorégraphie de groupe, orchestré par un talentueux professeur de danse
TAKAHIRO-sensei est probablement le responsable le plus respecté des fans des Keyaki et a énormément contribué à façonner l'identité du groupe. Dans une formation idol régulière (une line up à 16), il y a généralement une center au premier rang et une chorégraphie qui tourne autour d'elle. Au contraire, TAKAHIRO-sensei a jugé plus intéressant de créer une formation originale pour Silent majority en créant des séquences aux rythmes très cadencées et synchronisés pour donner une impression militaire. A partir de cette danse, les Keyakizaka ont obtenu une originalité que les autres groupes soeurs n'ont pas. Sur Kataru nara Mirai wo, la chorégraphie a pris une autre dimension avec des gestes très techniques comme la formation en croix (4 groupes de 4 qui permutent constamment).
Takahiro sensei lui même est une personne très fiable, avec qui les membres peuvent s'appuyer et prendre conseil. C'est d'autant plus vrai qu'elles sont inexperimentées au niveau de la danse. Avec beaucoup de professionnalisme, il les encouragent à avoir confiance en elles et de ne pas avoir peur d'exiger une performance de qualité. Cette rigueur bienveillante, les fans des Keyaki lui seront éternellement reconnaissant. Son véritable atout, c'est surtout sa capacité à pouvoir retranscrir l'esprit de la chanson dans la chorégraphie.
4) Une Ace charismatique, comme Maeda Atsuko en son temps
C'est débatable de déterminer si avoir ou non une éternel Ace fait la différence, mais personne ne peut dénier que l'âge d'or des AKB48 était lorsque Acchan était l'Ace du groupe. Hirate Yurina attire l'attention grâce à son regard, son énergie intense dans les performances et une grande maturité alors qu'elle n'avait que 14 ans quand elle a été center de Silent Majority. La raison pour laquelle un groupe a besoin d'une Ace et d'attirer l'attention du grand public, des néophytes du monde idol. Le grand public et les fans d'idols sont différents et réagissent aux chansons différemment. Ils ne se souviendront pas si la jeune fille au centre de la formation ne leur fait pas directement une bonne impression. Une Ace, c'est quelqu'un capable de de déclencher une émotion, dans un laps de temps très court. La première impression est souvent la plus importante.
Hirate "Techi" Yurina a aussi cette particularité d'incarner les chansons des Keyakizaka à la perfection. Elle performe comme si elle était possédée, rendant sa façon de danser unique. Son aura d'Ace est aussi différente de ses prédecesseurs; elle est plus connue pour son regard que les jolis sourires de top member comme Acchan ou Watanabe Mayu. Détenir cette mystérieuse, intense aura accroche les gens et les rend curieux.
5) Un large éventail de personnalités distinctes au sein du groupe
A part avoir une Ace capable d'exprimer le potentiel total d'une chanson, c'est définitivement toute les membres d'un groupe qui définissent le coeur de la fanbase. Chez les AKB48, il y avait Acchan mais aussi le Kami7, que les fans pouvaient facilement reconnaître grâce à des personnalités distinctes. Un groupe intéressant, basiquement, c'est un groupe avec des membres intéressants, qui ont diverses qualités et compétences qui leur permet de se distinguer.
Yurina est l'enfant miracle, Nagahama Neru est un peu "la jolie fille d'a côté", Sugai sama est la jeune noble, Moriya Akane est la grande soeur, Shida Manaka et Watanabe Risa sont les mannequins, Yuichanzu sont les chanteuses. En faite, le grand éventail de personnalité permet aux fans de trouver le type dont ils ont le plus d'affinités très facilement. On sait que la relation entre un fan et son oshimen dépend surtout des sentiments, et voir les membres grandir et développer leur personnalité propre est la raison pourquoi les fans continuent de les aimer de plus en plus.
6) Avoir accès à une nouvelle fanbase : les jeunes et les filles
Avoir construit une image cool et rebelle a beaucoup aidé à atteindre une nouvelle fanbase. C'est aussi quelque chose qui peut s'appliquer aux Nogizaka46 (en étant cools et élégantes). Alors que le 48group se concentre sur une classe pluq réduite (le ratio homme/femme est plus élevé dans le 48group) via des gravures et des chansons mignonnes, Keyakizaka a été capable d'étendre leur portée car les fans féminins admirent les idols de type cool comme Shida Manaka ou Watanabe Risa, mais aussi les plus jeunes qui eux sont attirés par les chansons comme Silent Majority.
C'est une tendance que j'ai pu constater sur les réseaux sociaux comme Twitter. La plupart des fans des Keyaki ont le même âge que les membres du groupe, née en 1997 ou 2000. Avoir été capable de convaincre cette fanbase a permis au Keyaki d'éviter cette stagnation dont souffre le 48group en ce moment. On pourrait dire aussi que, en ne dispersant pas les résultats d'handshake comme le fait AKB avec ses groupes soeurs, les Keyakis ont une probabilité plus grande de vendre leurs propres slots. Mais sur le long terme, c'est bien la diversité des fandoms qui augmente les ventes.
7) Promouvoir les talents et s'assurer d'une diversité musicale
Keyakizaka a trouvé son identité et signature à travers des mots comme "rébellion" avec des chansons qui suivent ce schéma (Silent Majority, Otona wa shinjite Kurenai, Fukyouwaon) mais les compositeurs et producteurs estiment qu'il est important de se diversifier; comme ça a été le cas avec la ballade Futari saison. C'est encore plus significatif avec des B-sides comme "Tuning" ou "Shibuyagawa" par le duo Yuichanzu. Grâce à leur compositions retro-pop-folk rafraîchissantes tout droit venues de l'époque Showa, Imaizumi & Kobayashi Yui ont réussi à équilibrer l'aspect sombre et brut des Keyakis.
Quelque chose qui m'interpelle, c'est comment la production de la musique idol est trop souvent unilatérale. La plupart du temps, ce sont des grosses utilisations de machines et de synthés. Cela ne rend pas justice au genre idol qui s'est émancipé à travers d'autre genre comme le rock et le metal. Dans le cas des Yuichanzu, les performances A capella et l'utilisation des guitares accoustiques ont été largement saluées par les fans qui en redemandent. Imaizumi n'as pas encore été center mais elle a de grandes capacités vocales sur lesquelles il est essentiel de capitaliser, tout comme Yuipon. Il faut aussi mentionner que les Keyakis sont bien sûr capables de produire des chansons plus standard, comme "Aozora ga chigau" ou "Mata atte kudasai", le solo de Neru.
8) Une promotion et un soutien financier à la hauteur des enjeux
Cela semble évident mais ce n'est pas forcément appliqué (Hello SKE). Les Keyakis ont eu la chance énorme d'avoir une émission télé régulière (Keyakitte Kakenai), deux saisons sur une chaine télé nationale (Keyabingo), un drama (Qui a tué Tokuyama daigoro), de nombreuses apparitions dans des émissions musicales incluant le Kouhaku. Plus récemment, des émissions de variété (équivalent des enfants de la télé) des émissions radios (Yurakuchou, ANN) des contrats de mannequinat, d'innombrables photoshoot (Yurina, Akane, manaka, Sugai Yuuka).
Le succès d'un groupe est l'adéquation entre un nombre conséquent d'opportunité et des membres à fort potentiels. Cela joue beaucoup aussi dans le timing. Puisque le management souhaite préserver les Keyakizaka sur le devant de la scène, ils lancent leurs singles à un rythme très soutenu, de l'ordre de 4 par an. En comparaison, NGT48 qui a débuté à peu près en même temps, n'en a sorti qu'un seul, l'année d'après, en 2017.
9) Un style et une identité propre
Les Nogizaka sont cools et élégantes. Les HKT sont jeunes et mignonnes. Les SKE sont énergétique et positives. les NMB sont authentiques et funs. Les Keyakizaka, de par la musique, les paroles et la danse, ont trouvé leur propre trait de caractère : Brut et indomptable. Non seulement leur niveau de performance leur donne un côté "pro" mais c'est aussi cohérent avec le message qu'elles veulent faire passer "On se donne à fond pour que l'on puisse briser nos chaines (Liberté !).
Les gens se souviennent quand il y a quelque chose à se souvenir. C'est probablement pourquoi les idols underground ont du mal à percer au dela d'un marché local car elle n'ont pas un style qui les différencie vraiment (et surtout un gros manque de moyen). Je ne dis pas que les Keyakizaka font quelque chose de différent (car les chansons cools existent depuis bien avant) mais c'est la concordance entre tous les facteurs (danse, musique, parole) qui donne ce côté unique aux keyakizaka et que les autres groupes ne peuvent pas répliquer.
C'était un moment crucial d'avoir leur identité rapidement définie car elles ont débuté pendant l'état de grâce des Nogizaka (pique de popularité). Admettre un lien de parenté avec les Nogi, tout en clamant leur identité propre, cela a été une des clés de leur succès.
10) Un potentiel qui rend les fans enthousiaste pour l'avenir
En conclusion, Keyakizaka bénéficie du facteur "rookie" : elles sont fraîches et apportent un vent nouveau sur la scène idol. Leur élan est encore vif et le groupe a encore plusieurs objectifs à atteindre, comme des lieux de concert plus grand, augmenter l'activité extérieure comme le fait Shiraishi Mai ou Nishino Nanase dans le mannequinat, ou alors même commencer un autre drama. Le fait est, le 48group a vue ses collaborations avec des marques japonaises fondre de moitié (à l'époque d'Acchan, on en totalisait 10 et maintenant plus que de 2-3), ce qui peut s'interpréter par une perte d'intérêt du grand public. Le challenge dont va être confronté le groupe, ou plutôt tous les groupes d'idols, est plus difficile que jamais.
Keyakizaka a le potentiel d'atteindre ce niveau de visibilité dans le monde du divertissement japonais une nouvelle fois. Mais elles doivent maintenir leur niveau d'excellence en performance et multiplier les réseaux avec les compagnies de production (comme ohta pro, ogi pro, etc) pour développer le capital individuel de chacun dans plusieurs secteurs. Dans le but de devenir des idols nationales, il faut aller au-delà du statut. On devient alors modèle, actrice, chanteuse ou talento (voir emission de variété, ex Sasshi).
Keyakizaka a puisé son succès dans des registres que le management des AKB a trop négligé au fil du temps. Il ne tient qu'aux membres de concrétiser leur opportunité de travail en visibilité dans le monde des idols. Et comme n'importe quel projet, cela demande du temps et beaucoup d'investissement personnel. Ce qui est intéressant de noter, alors que Keyakizaka est un groupe débutant, la plupart des membres ont au-delà de 17 ans et sont plus à même de continuer leur carrière en tant qu'idols (dans le 48group, les filles sont jeunes et sans opportunité de carrière réelle, et souvent quittent le groupe après le lycée). C'est un soulagement pour les fans qui souhaitent voir les Keyakizaka dépasser les autres groupes soeur.
- Gocchisama
